L’imagerie à faible flux survient dans plusieurs champs d’études, de la recherche biomédicale à l’astronomie. Elle peut apparaître pendant l’analyse de la dynamique moléculaire des synapses du cerveau avec des marqueurs fluorescents ou encore pendant l’étude spectroscopique de l’atmosphère de lointaines planètes extrasolaires. Toutefois, dans tous les cas, lorsque les photons se font rares, le signal atteignant l’appareil d’imagerie peut être suffisamment faible pour se confondre au bruit de fond. Une stratégie pour récupérer le signal des photons est plus que nécessaire.
La technologie du CCD à multiplication d’électrons, parfois appelée low light level CCD (L3CCD), est conçu pour contrecarrer le bruit électronique intrinsèque au processus de lecture qui est comparable à un signal de quelques photons par exposition. De cette façon, les caméras EMCCD répondent au défi de la majorité des applications à faible flux. Elles supportent également l’acquisition d’images plus rapide que leurs homologues CCD et constituent donc une excellente alternative pour l’imagerie en temps réel. Mieux encore, les caméras EMCCD offrent l’ultime sensibilité pour l’observation des scènes les plus sombres en devenant une solution d’imagerie en comptage de photons à grand champ en temps réel.
Cette série de pages a pour but de vous informer sur les différentes spécificités des EMCCD, depuis les sources de bruit et les modes de fonctionnement jusqu'aux opérations avancées de comptage de photons.
Technologie appartenant à la famille du CCD (charge-coupled device), l’EMCCD est un CCD à transfert de trame auquel est ajouté un registre de sortie supplémentaire. Le système fonctionne d’abord en transformant les photons incidents en photoélectrons dans la région photosensible du détecteur (zone d’imagerie) au sein de l’enceinte refroidie de la caméra. La surface semi-conductrice du détecteur est méticuleusement organisée en une matrice de puits de potentiel, les pixels, qui capturent les photoélectrons produits par l’effet photoélectrique lorsqu’exposés à la lumière. À la suite de l’accumulation de ces charges négatives, l’application d’une tension variable sur les pixels force tous les électrons à se déplacer rapidement de la région d’imagerie à la région de stockage. Ce processus permet de traiter l’image pendant qu’une nouvelle se formera lors d’une exposition subséquente.
Dans la région de stockage, les électrons du bas se déplacent d’un pixel à l’autre jusqu’au registre de multiplication, constitué de quelques centaines d’électrodes. Lorsqu’un photoélectron rencontre une électrode, il peut générer un électron secondaire par ionisation par impact, un type d’effet d’avalanche, avec une probabilité de 1-2 %. En conséquence, un signal entrant de quelques photons seulement peut être amplifié jusqu’à un facteur de quelques milliers. Enfin, les charges atteignent l’amplificateur de sortie où elles sont converties en un potentiel électrique qui est ensuite numérisé pour former une image.
En comparaison à d’autres technologies d’imagerie à faible flux, l’EMCCD se démarque par son rendement quantique élevé ainsi que son faible niveau de bruit thermique, de la même manière qu’un CCD traditionnel. De plus, il présente un bruit de lecture négligeable, tout comme les CCD intensifiés (ICCD), offrant ainsi une sensibilité supérieure en condition d’obscurité. Pour plus d’information à propos des différentes caméras pour l’imagerie à faible disponibles, référez-vous à notre article publié dans la revue Biophotonics.
Pushing Sensitivity to the Brink: Selecting the Right Imaging Technology for Your Application
Cependant, comme toute technologie d’imagerie, la caméra EMCCD est assujettie aux bruits thermique et de lecture en plus d’autres facteurs dépendants de l’électronique qui affectent sa sensibilité. L’injection de charge (CIC), la principale source de bruit en imagerie à faible flux, tout particulièrement à grande vitesse, peut contaminer une image jusqu’à 200 fois plus que le courant d’obscurité lorsque seuls quelques photons atteignent le détecteur.
Les principaux paramètres qui altèrent la sensibilité des systèmes d’imagerie EMCCD sont listés ci-dessous, en plus des moyens par lesquels la technologie de Nüvü Camēras surmonte créativement ces obstacles.
Idéalement, un capteur EMCCD ne détecterait que les photoélectrons. Toutefois, la simple agitation thermique des atomes de silicium formant le détecteur est suffisante pour éjecter des électrons qui seront alors emmagasinés dans les puits de potentiel. Même dans l’obscurité totale, ces charges s’accumulent graduellement dans les pixels au fur et à mesure d’une exposition, donnant ainsi la fausse impression que le détecteur a mesuré un signal lumineux.
Pour contrer cette source de bruit, nommée courant d’obscurité ou encore bruit thermique, le capteur EMCCD est refroidi à des températures près de -90 °C. Ce faisant, ce signal indésirable décroît substantiellement et est ainsi largement supplanté par celui des photoélectrons. Opérer une caméra EMCCD en mode inversé (IMO) réduit davantage le courant d’obscurité. Référez-vous à la section portant sur les modes d’opération plus loin dans ce tutoriel pour plus d’information.
Nüvü remédie au bruit thermique en proposant des caméras refroidies à l’azote liquide ou à l’aide d’une unité thermoélectrique afin d’absorber l’excès de chaleur du détecteur. À cet égard, Nüvü Camēras a développé un système d’encapsulation révolutionnaire pour ses caméras capable de maintenir la température du détecteur à -85 °C avec une précision exceptionnelle de 0,01 °C, et ce, même pendant l’acquisition rapide d’images sur la totalité de la surface d’imagerie. Une telle stabilité assure l’uniformité de l’amplification du signal à travers le registre de multiplication puisque le courant d’obscurité reste le même. Pour plus de détails, consultez la sous-section Gain EM.
Le bruit de lecture émerge lors de la conversion d’une charge en potentiel électrique. Typiquement imperceptible, le bruit de lecture, de l’ordre de 2 à 10 électrons par pixel, devient comparable au signal des photoélectrons en condition de quasi-obscurité.
Afin d’accroître la sensibilité du capteur, l’EMCCD intègre un registre de multiplication d’électrons (registre EM), qui, grâce à une série d’éléments à haute tension, amplifie le signal des photoélectrons avant leur numérisation. Cette amplification, d’un facteur de quelques milliers par photoélectron, rend le bruit de lecture négligeable.
Le coefficient associé à l’amplification desphotoélectrons par le registre EM est appelé gain EM. L’accroissement du signal des photoélectrons a cependant un prix : le registre EM est une composante sensible qui peut saturer, et sa saturation peut mener à son vieillissement prématuré.
Notez que le registre EM accroît non seulement le signal des photoélectrons, mais aussi celui du courant d’obscurité et ceux induits par l’injection de charge. Nüvü résout ce problème grâce à son contrôleur de CCD pour le comptage de photons (CCCP) ainsi que par un refroidissement du détecteur EMCCD sans égal. Le premier diminue l’injection de charge tandis que le second maintient le bruit thermique à son plus bas. Par conséquent, Nüvü est le seul fabricant de caméras EMCCD qui propose des caméras capables d’opérer à un gain EM de 5000.
Pour la majorité des applications, Nüvü conseille d’employer des gains EM de 1000 ou moins afin d’éviter la perte de la gamme dynamique de la caméra. Cette dernière, définie comme le rapport entre la capacité d’un pixel et le niveau de bruit total de la caméra, décroît avec l’augmentation du gain EM en raison de la capacité du registre d’amplification. Pour des gains accrus, le registre, dont la capacité est constante, tolère moins d’électrons avant de saturer puisqu’il amplifie une rangée entière du capteur et non un pixel à la fois. Néanmoins, des gains inférieurs génèrent des images ayant une plus grande gamme dynamique, donc un meilleur contraste.
Autrement, pour des applications faisant appel au comptage de photons — plus loin dans cette page —, Nüvü Camēras recommande des gains EM d’environ 3000 afin d’optimiser la gamme dynamique et la sensibilité.
Les grandes tensions et les hautes fréquences que nécessite la lecture d’un EMCCD sont à la source de l’injection de charge (CIC). Il s’agit de la génération d’électrons par l’application rapide des horloges qui régissent l’EMCCD.
Heureusement, le contrôleur de CCD pour le comptage de photons (CCCP), une technologie innovante et brevetée de Nüvü Camēras, génère des signaux de grande précision qui sont entièrement modulables. Résultat : une nette diminution de l’injection de charge pendant la lecture rapide du détecteur.
Des électrons peuvent demeurer dans un pixel au cours d’un transfert, surtout à des vitesses de lecture élevées : le transfert des électrons d’un puits de potentiel au prochain est alors incomplet et laissant des charges dans la région d’imagerie. Par conséquent, ces charges résiduelles augmentent artificiellement la luminosité de certains pixels, diminuant par le fait même la qualité globale de l’image en raison du flou qu’elles génèrent.
Néanmoins, en plus de diminuer considérablement l’injection de charge (CIC), CCCP préserve l’efficacité de transfert de charge (CTE) à n’importe quelle température, créant ainsi des images d’une qualité nettement supérieure.
L’effet d’avalanche qui amplifie le signal des photoélectrons avant la lecture est de nature incertaine : il n’est possible de déterminer que la valeur moyenne du gain EM engendré dans le registre de multiplication, jamais sa valeur exacte. Le signal suit une distribution de probabilité de Poisson, comme montré dans la figure ci-dessous.
Une incertitude apparaît lorsqu’on tente de déterminer le nombre exact d’électrons ayant contribué au signal avant leur amplification : comme il est présenté ci-dessus, les distributions des électrons post-amplification se chevauchent grandement et ce, peu importe le nombre d’électrons initial. Il est ainsi impossible d’évaluer combien d’électrons sont entrés dans le registre. Une telle ambiguïté a pour effet de contaminer les images acquises à l’aide d’une caméra EMCCD par le facteur de bruit excédentaire (ENF) d’une valeur de √2 à haut gain EM. Cette source de bruit de nature stochastique, qui apparaît à faible flux, altère le rapport signal-sur-bruit (RSB) d’une image de la même manière qu’une réduction d’un facteur deux de l’efficacité quantique du détecteur.
L’imagerie en comptage de photons élimine l’ENF en assignant une valeur de 1 ou de 0 à chaque pixel. Ce faisant, le registre de multiplication accroît le signal des photoélectrons sans en changer la valeur. Des explications supplémentaires sont fournies dans la section Comptage de photons.
L’acquisition de données à l’aide d’une caméra EMCCD peut s’effectuer de plusieurs manières comme elle intègre deux numériseurs différents : l’un avec le registre de multiplication et l’autre sans.
Dans le mode conventionnel, les photons captés sont transformés en électrons et ceux-ci sont numérisés pixel par pixel sans amplification supplémentaire; la lecture du détecteur se fait à la façon d’un CCD. Ce mode est recommandé lorsque le bruit total est négligeable en comparaison à l’intensité du signal lumineux.
Le mode par multiplication d’électrons (EM) emploie le registre d’amplification du EMCCD pour accroître le signal des photoélectrons avant numérisation. Ce faisant, le bruit de lecture est contrecarré dans des conditions de faible luminosité, là où à peine quelques dizaines de photons sont décelables. À situation égale, le bruit de lecture du mode conventionnel serait aussi élevé que le signal du phénomène observé!
Chaque numériseur comprend un sous-ensemble de procédés de traitement. En mode linéaire (LM), l’intensité de chaque pixel reflète la quantité de lumière détectée au cours d’une exposition. Ce mode, aussi appelé linéaire, inclut également une option de correction d’image par l’entremise d’une image de biais. Cette image de biais est soustraite de chaque cliché pour corriger les artéfacts induits par le détecteur. Le mode LM supporte les acquisitions conventionnelles et EM.
Nüvü offre également un procédé de traitement dédié au comptage de photons (PC) pour des applications à ultra-faible flux qui ne fonctionne qu’en mode EM.
L’amélioration des performances d’une caméra EMCCD passe également par son mode de fonctionnement.
Le mode de fonctionnement inversé (IMO) d’un EMCCD génère une population de trous — absence d’électrons — à l’intérieur du substrat de silicium du détecteur. Ces trous se recombinent avec les électrons du courant d’obscurité avant la lecture. Ainsi, le mode de fonctionnement inversé réduit significativement le bruit thermique et est particulièrement adapté pour les longues acquisitions. Cependant, ces trous mobiles génèrent davantage d’injection de charge durant le transfert vertical des électrons vers le registre de lecture. Par opposition, le mode de fonctionnement non inversé (NIMO) n’induit pas de populations de trous et réduit le CIC; il est plutôt conseillé pour les courtes acquisitions où le courant d’obscurité n’a pas le temps de s’accumuler.
Néanmoins, un contrôleur permettant le réglage précis des signaux régissant la lecture d’un EMCCD freine l’injection de charge même en mode inversé. C’est ce qu’offre Nüvü Camēras avec le Contrôleur de CCD pour le comptage de photons (CCCP), une technologie brevetée de pointe fonctionnant exclusivement en IMO. Intégré à tous les produits Nüvü, CCCP supporte les longues comme les courtes acquisitions à grande vitesse de lecture pour l’obtention d’images au RSB incomparable.
Il faut noter que les modes IMO et NIMO sont mutuellement exclusifs et qu’un mode peut générer de meilleures spécifications qu’un autre. Chez Nüvü Camēras, toutes les données sont obtenues en mode inversé tandis que certains fabricants de caméras EMCCD peuvent indiquer les niveaux de CIC en NIMO, mais fournir le courant d’obscurité en IMO. Toutefois, comme ces modes sont mutuellement exclusifs, le bruit total d’une caméra pourrait être supérieur aux spécifications de ces fabricants une fois dans le laboratoire.
Lorsqu’on s’attend à un signal moyen d’un photon ou moins par pixel par image, la clé est d’analyser l’image pixel par pixel de manière binaire afin d’accroître la sensibilité. Un seuil arbitraire permet de déterminer de façon statistique si un pixel donné renferme ou non un photoélectron authentique. Un tel procédé, connu comme le comptage de photons (PC), revient à dénombrer les pixels qui ont détecté des photons. Un pixel de valeur égale ou supérieure au seuil se lit comme un ; en deçà de ce seuil, le pixel est zéro. De cette façon, il est possible de contourner la nature stochastique de la multiplication des électrons dans le registre EM et d’éliminer l’ENF.
Comme le comptage de photons nécessite l’emploi de gains EM élevés, ce processus réduit considérablement la gamme dynamique de la caméra. Néanmoins, en additionnant plusieurs acquisitions réalisées en comptage de photons, on peut récupérer cette gamme dynamique et obtenir des images de haute qualité.
Des questions sur l'EMCCD ou l'imagerie à faible flux lumineux ? Les experts de Nüvü Camēras peuvent vous conseiller sur les options d'imagerie en basse lumière.